Yves Elléouët
Dossier de presse / Catalogue de l’exposition
Yves Elléouët (1932–1975) fût poète, romancier, dessinateur, peintre. Il fréquenta très tôt la littérature et les arts plastiques que son père lui fît découvrir dès l’âge de 13 ans.
Ayant passé toutes les années d’occupation, puis ses vacances d’été à la Roche-Maurice chez sa grand-mère paternelle, Yves Elléouët développa un attachement très profond pour la Bretagne, à jamais ancrée dans son imaginaire de peintre et d’écrivain.
Une petite gouache de jeunesse, d’apparence toute simple – une paysanne dans une cour de ferme – condense l’œuvre picturale à venir : les arbres sont nus, c’est l’hiver, peut-être le soir. Une certaine mélancolie est perceptible sous le pinceau du jeune peintre, qui fixe un moment d’immobilité ou d’attente. Pourtant, les courbes d’un grand toit de chaume jaune exercent une force d’attraction sur toute la composition, animant jusqu’à la figure féminine, au centre de la composition. L’œuvre est en tension, tout à la fois statique et en mouvement. L’or et le rouge vif d’une porte, d’une fenêtre et d’un pan de mur, contrastant fortement avec les tonalités en demi-teintes des pierres et du ciel, semblent annoncer quand à eux les grands maelströms écarlates de 1959 et toutes les incandescences abstraites qui suivront, entre 1960 et 1962.
S’initie ainsi la mise en circulation des formes et des couleurs, prémisses de ces paysages bretons qui, deux décennies plus tard, verront se confondre – ou permuter – à travers de grands roulements de couleurs, le ciel, la terre et la mer.
Yves Elléouët a 23 ans quand, en 1953, il rencontre André Breton et sa fille Aube, qu’il épouse un an plus tard. Voyant dans le surréalisme « le seul guetteur sans doute accoudé aux tours de garde des siècles passés et à venir » *, le peintre décline, dans les fresques sur ciment de 1958 notamment, un imaginaire de mystères et de figures hybrides proche des arts premiers. Symboles-animaux, signes-lune, cercles et carrés de magie évoluent dans des tonalités ocres, des couleurs de terres. Parfois, du bleu mélangé au noir évoque la nuit, ses esprits et ses métamorphoses.
Compagnon de route du surréalisme donc, mais à sa manière, libre et vagabonde.
Yves Elléouët aura accueilli avec bonheur d’autres grands « marqueurs » de l’art et de la peinture de son temps. Les œuvres de l’abstraction gestuelle ou celles de ses amis Alexander Calder, Charles Lapicque ou Pierre Jaouën, auront agi sur lui à la manière des standards de jazz qu’il écoutait à l’atelier : toujours à recréer à réinventer par des improvisations les plus libres.
Par une vingtaine de peintures, une quinzaine de dessins et quelques poèmes aux murs, la galerie Plein-jour a souhaité mettre en évidence la cohérence d’une œuvre qui fût « sous une multitude de formes » comme il l’écrivait de lui même : inclassable, toujours autre mais selon un processus d’invention poétique qui n’appartint qu’à lui.
Nous exprimons toute notre reconnaissance à Aube Breton-Elléouët et Oona Elléouët pour leur confiance et leur amitié. Nous remercions aussi chaleureusement Stéphane Vauclin et Ronan Nedelec pour leur aide précieuse.
Jean-Pierre Le Bars, septembre 2021
* Première lettre d’Yves Elléouët à André Breton, datée du 4 décembre 1955
Biographie
Yves Elléouët est né le 8 janvier 1932 à Fontenay-sous-Bois. Sa famille s’installe à Garches en 1935. Il passe les années de guerre à La Roche-Maurice en Bretagne et se lie d’amitié avec le fossoyeur du village. Il dessine, peint et écrit depuis ses plus jeunes années. Diplômé de l’Ecole Technique des Arts Appliqués de Paris en 1953, il retourne pendant les vacances d’été en Bretagne où il embarque sur un chalutier de Lesconil.
Attiré par le surréalisme, il fait en 1955 la connaissance d’André Breton et de sa fille Aube, qu’il épouse l’année suivante. S’étant formé au métier d’héliograveur à l’Ecole Estienne à Paris, il travaille comme retoucheur en imprimerie, emploi qu’il quitte en 1959 pour se consacrer à la peinture et à la poésie. Avec son ami, le peintre Pierre Jaouën, Il expose une série de fresques à la galerie de la Cour d’Ingres à Paris. Il participe aux Expositions Internationales du Surréalisme, galerie Daniel Cordier à Paris, puis, en 1961 à la galerie Schwartz à Milan où il présente deux toiles : « Le Cyclope » et « L’entrée du Mastaba ».
Yves et Aube passent souvent leurs vacances à La Roche Jaune (Côtes d’Armor) dans la maison prêtée par Calder. De 1961 à 1966 , Yves Elléouët travaille comme dessinateur au service « Label » du journal « Elle ». En 1966, le couple quitte Paris pour Saché en Touraine. Les Calder-Davidson leur trouvent une maison et les aident à s’installer. Yves peut se consacrer entièrement à l’écriture et à la peinture. Il publie en 1967 « La Proue de la Table », recueil de poèmes illustrés par Alexander Calder, aux éditions du Soleil noir.
A partir de 1968, il se consacre exclusivement à l’écriture de son premier roman, « Livre des rois de Bretagne » publié en 1974 aux éditions Gallimard puis à celle de « Falc’hun ». Il achève ce second roman peu de temps avant sa disparition, en 1975. « Falc’hun » est publié l’année suivante aux éditions Gallimard, préfacé par Michel Leiris. En 1980 sont publiés les poèmes d’ »Au pays du sel profond » aux éditions Bretagnes, puis en 1982, ceux de « Tête cruelle », aux éditions Calligrammes. « Dans un pays de lointaine mémoire », sélection de poèmes et de lettres préfacée et annotée par Ronan Nédélec, paraît aux éditions Diabase.
Les peintures et les dessins d’Yves Elléouët, peu exposés de son vivant, ont depuis fait l’objet de nombreuses expositions : Palais des arts et de la culture de Brest en 1981 ; musée de Morlaix en 1983 ; musée des Beaux-arts de Vannes et hôtel de ville de Quimper l’année suivante ; hôtel de ville de Tréguier en 1996 ; musée des Beaux-arts de Quimper et château de Tours en 2009.