Carmen Delgado – J.P.L.H. – Caroline Kryzecki – Fleur Noguera
 

Carmen Delgado
J.P.L.H.
Caroline Kryzecki
Fleur Noguera

La galerie Plein-jour a convié quatre artistes dont les travaux évoquent – ou sont – des œuvres textiles. Parler de leur art, c’est parler de tissage.

Tramer, entrecroiser, assembler, entrelacer, superposer, multiplier, relier, combiner, répéter, juxtaposer, quadriller, croiser, rythmer… Comme Perséphone, compagne d’Hadès, qui créa sur son métier à tisser une image de l’univers, Fleur Noguera (tissages), Caroline Kryzecki, Carmen Delgado (peintures), J.P.L.H (dessins digitaux), organisent patiemment, méticuleusement, les images d’un monde tissé à l’infini. Spontanées ou d’ordre mathématiques, leurs œuvres traitent de ce qui est épars et noué, séparé et relié.

« Ils se cherchent et se confondent, ils deviennent continus. »

Carmen Delgado

Exposition du 24 novembre 2023 au 7 janvier 2024.

 

Carmen Delgado – J.P.L.H. – Caroline Kryzecki – Fleur Noguera

Carmen Delgado

Carmen Delgado, Sans titre, 81 x 55 cm, Acrylique sur toile

Carmen Delgado, Sans titre, 6 x 24.5 cm, Acrylique sur bois

Carmen Delgado, Nocturna , 100 x 65 cm, acrylique sur toile

Carmen Delgado est née à Barcelone en 1968. Artiste peintre diplômée des Beaux-arts en 1991. En 2000, elle s’installe dans une petite ville proche de Barcelone où elle fonde, avec son partenaire, sa propre entreprise de design tout en poursuivant ses recherches picturales. Son travail est présenté lors d’expositions solo ou collectives mais également dans le cadre d’expositions à l’atelier que Carmen Delgado conçoit comme des liens avec sa ville.

« (…) on choisit de peindre parce que c’est mieux que de ne pas peindre, parce que c’est prodigieusement inutile et que même si cela n’a pas d’importance en général, cela en a beaucoup pour celui qui s’en soucie.
Mon processus tente de contextualiser l’action de peindre dans le cadre de l’innocence, comme une réinitialisation ou une purification de la pensée. J’attends de ressentir le besoin d’une forme initiale et d’une couleur, et je superpose des actions qui modifient la surface jusqu’à atteindre une connexion très intime. Je m’accroche au langage et à sa matérialisation, qui est insondable, infinie. C’est en elle que germent l’énigme, la vérité et la beauté.
Je ressens la beauté lorsque je dépasse les limites de mon identité et que je la trouve dans des objets-existences qui transitent des identités diverses. La beauté en tant qu’énergie qui nous transforme et nous ramène à un état plus pur, connecté au collectif et à l’universel.
(…) Je m’intéresse à l’ambiguïté, à la limite entre l’abstraction et la figuration, en la niant, en rendant le plan de la peinture toujours visible et explicite. Presque toutes mes œuvres ont une nuance référentielle, comme si elles s’approchaient de la réalité pour nous poser des questions à son sujet ou pour la penser d’une manière différente (…) »

Carmen Delgado, Mon travail

 

J.P.L.H.

J.P.L.H., 2015, Encres pigmentaires sur papier, 42 x 59,2 cm

J.P.L.H., 2021, Encres pigmentaires sur papier, 41,7 x 55,3 cm

J.P.L.H., 2021, Encres pigmentaires sur papier, 41,5 x 55,3 cm

J.P.L.H. est né en 1946 en lorraine. De 1964 à 1976, il étudie puis enseigne les mathématiques et commence à peindre en autodidacte. De 1976 à 2010 il est libraire à Nancy. Il réalise ses premiers dessins digitaux en 2014.

J.P.L.H. a fait de l’ordinateur et de l’imprimante un terrain d’expression singulièrement propice à sa recherche artistique. Produisant de manière continue depuis bientôt 10 ans des compositions aussi libres que rigoureuses, l’artiste aime à citer le compositeur Steve Reich :

«  Ce que je veux, c’est créer une œuvre que j’aimerais passionnément, une pièce totalement personnelle dont chaque détail correspondrait à ce que je recherche, mais à laquelle je serais parvenue par des moyens impersonnels. Je compose le matériaux et je décide du processus auquel il sera soumis. Cependant, une fois que ces choix initiaux ont été faits, le processus fonctionne tout seul. » Steve Reich, 1972

Sur un logiciel de traitement d’image J.P.L.H. conçoit des modules, des unités de base qu’il agence selon des combinatoires complexes d’essence mathématique. En résulte des distributions de formes et de couleurs tantôt vives, tantôt assourdies, d’où la matières n’est pas absente : aplats, flous et granulations générés à l’écran se matérialisent au rythme hypnotique d’une imprimante de haute précision projetant ses encres profondes et mates sur des papiers non moins somptueux. Ultime étape d’un processus fonctionnant à la manière d’un jeu, les dès sont lancés…

Caroline Kryzecki

 

Caroline Kryzecki, 2022, Gouache sur papier quadrillé, 38 x 25 cm

Caroline Kryzecki, 2022, Gouache sur papier quadrillé, 38 x 25 cm

Caroline Kryzecki, 2022, Gouache sur papier quadrillé, 38 x 25 cm

Née en Allemagne en 1979, Caroline Kryzecki vit et travaille à Berlin. Elle travaille principalement avec une approche minimaliste et conceptuelle sur papier, mais réalise également des installations spécifiques au lieu. Elle a exposé entre autres au British Museum, Londres, au Drawing Center, New York, la Kunsthalle de Tübingen, au PEAC Museum, Freiburg, au Wilhelm Morgner Museum, Soest, la Kunstsammlung Gera, le Kunstverein Reutlingen, la Meet Factory, Prague, le Center of Contemporary Art, Torun/Pologne, la Boros Foundation, Berlin, la David Nolan Gallery, New York, Patrick Heide Contemporary Art, Londres, et Bernal Espacio, Madrid. L’œuvre de Kryzecki a été récompensée par de nombreux bourses et prix. Elle est représentée par la SEXAUER Gallery à Berlin.

«  Nous sommes habitués à la multiplication impersonnelle des possibilités par le biais d’algorithmes.
La méthode de Caroline Kryzecki n’est pas du tout numérique. Elle est entièrement déterminée par la mesure et créée à la main. Elle a des affinités avec les procédés artisanaux tels que le tissage, et il est normal que Kryzecki s’intéresse à ce sujet. Kryzecki a passé du temps en tant qu’artiste en résidence à la Fondation d’une pionnière moderniste de l’art textile, Anni Albers. C’est là qu’en 2019, elle a étendu son répertoire en y adjoignant la peinture au pinceau, tout en respectant les mêmes contraintes esthétiques minimalistes que précédemment. »

Roger malbert, 2021

« La musique est une influence importante pour Kryzecki qui a a intitulé sa première exposition de peintures en grille Counting Silence. Ce titre rappelait John Cage (..) Kryzecki a également renoncé à des couleurs variées. Cette retenue lui a permis de se tourner vers d’autres paramètres: la diversité des tons, la transparence, et si ce n’était pas un peu contradictoire : le son visuel.

Si l’on interroge Kryzecki sur l’essence de son travail, malgré la grille rigide sous-jacente, elle parle avant tout d’un jeu. Une contradiction qui n’est qu’apparente, car en musique comme en art, ce ne sont souvent que les règles ou les limites qui ouvrent un nouvel espace de liberté, dans le phrasé, la couleur du son, etc.
Comme en musique, le renoncement peut conduire à la richesse. »

Extrait du texte de présentation de l’exposition Kind of blue de Caroline Kryzecki en 2023 à la galerie Sexauer Berlin.

Fleur Noguera

Fleur Noguera, Crasy textile, 2023, Tissage double étoffe, 60 x 114 cm

Fleur Noguera, Crasy textile, 2023, Tissage double étoffe, 60 x 114 cm

Fleur Noguera, Crasy textile, 2022, Tissage, 62 x 105 cm

Fleur Noguera est née en 1972 ; elle vit et travaille à Douarnenez. Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions personnelles , notamment à la Casa del Lago, Mexico ; au Drawing center,New York ; à 40m cube, Rennes ; à la galerie Dohyang Lee, Paris ; au CRAC, Sète. Depuis 2003 elle participe très fréquemment à des expositions collectives, les plus récentes étant Entendre les images, Ateliers des Arques, Les Arques et Voyage dans la roche, Hang-art. Esquieze-Sère, 2023 ; La Grande Diagonale, la Station, Nice, 2021, commissariat Bruno Peinado ; Some Of Us, Kunstwerk Carlshütte, Budesldor, Allemagne, 2019, commissariat de Jérôme Cotinet-Alphaise et Marianne Derrien.

Multipliant les supports alliant simplification et minutie des formes, Fleur Noguera s’inspire d’environnements issus du milieu naturel ainsi que de son propre quotidien urbain.

La ligne est un élément récurent dans l’ensemble de son travail, comme pour les séries de collages, dessins et peintures où les traits sont volontairement dirigés pour créer une rupture entre les plans. Motif formel, elle est aussi le fil conducteur des récits de films. Et plus récemment elle devient le support, la structure : la chaîne et la trame, de compositions tissées.

« Crazy textile » est une série de tissages double étoffe, technique qui permet de tisser deux faces à la fois, tout en jouant sur des va-et-vient de couleurs et de formes entre la face visible et la face cachée. Réalisés sans dessins préalables, les tissages s’improvisent en s’inspirant du quotidien, de l’art ainsi que de la pratique textile. Le titre « Crazy textile » fait référence à des Quilts confectionnés par des femmes qui par le biais de ces créations s’émancipent des règles imposées par leur environnement.