Anna Mark – Mitsouko Mori – Charuwan Noprumpha
 

Anna Mark – Mitsouko Mori – Charuwan Noprumpha

En cette rentrée 2016 et pour marquer le premier anniversaire de la galerie Plein-Jour, nous avons le plaisir de présenter trois artistes vivant en France, mais venues d’horizons divers : la Hongrie pour Anna Mark, le Japon pour Mitsouko Mori, la Thaïlande pour Charuwan Noprumpha. Cultivant une certaine mise à distance du sujet et de l’expression, économes des moyens du dessin, de la peinture et de l’installation, elles n’en produisent pas moins des œuvres intenses et sensibles, résolument personnelles.

Anna Mark

Anna Mark

Anna Mark

Anna Mark

Anna Mark est née en Hongrie. Elle a étudié à l’Ecole des Beaux-Arts de Budapest de 1946 à 1950, avant de s’établir à Paris en 1959. Régulièrement exposé depuis lors, tant en France qu’à l’étranger, son travail figure dans de nombreuses collections publiques (Fonds National d’Art Contemporain ; Centre Georges Pompidou notamment) et dans de multiples musées.

Ses récentes expositions (en 2016 au Domaine du Tournefou de Pâlis et au Centre d’Arts Plastiques de Royan ; en 2015 au Musée d’Art et d’Histoire de la ville de Meudon) confirment toute l’actualité de son œuvre et l’attention qu’elle suscite.
L’artiste est représentée par la galerie Marie-Hélène de la Forest-Divonne.

Une certaine pratique de l’espace, qu’Anna Mark a longtemps déclinée en teintes sourdes de sable, d’ombre et de terre, trouve aujourd’hui son point d’incandescence dans la suite des gouaches rouges.

Strates accumulées d’expériences vécues ; fines couches de jours, de passages, d’allées et venues ; plans superposés… tout s’est fondu et rayonne à présent dans le spectre coloré d’un métal en fusion. Matière noire devenue translucide et rouge, jusqu’à certaines longueurs d’ondes, comme invisibles à l’œil, mais qui vibrent. Ici est atteinte une forme d’unité des contraires. Ce qui est cadré est décadré, ce qui est dedans est dehors, ce qui est de côté est de face.
Il ne nous est pas proposé plusieurs vues simultanées d’un même objet – d’un espace ; il nous est donné de le saisir d’un coup, dans toute l’étendue de ses acceptions. C’est pourquoi l’art d’Anna Mark tient à la fois du plan, du paysage, de l’objet et du corps. Totalement abstrait et totalement concret,
non quantifiable.

Ne couvrant pas la feuille entière, très blanc (sérigraphié), le fond ouvre sur l’inconnu. Cerné de marge, est-il encore un fond ? Comment le définir ?
Jean-Pascal Léger : « … les espaces sont solidaires. Si nous devinons leur ordre construit, ce dernier n’est pas « constructiviste » et il nous entraîne vers une simplicité plus douce et plus archaïque qu’on pourrait nommer « les degrés du silence »
Tout dépend de la lumière, du regard.

Jean-Pascal Léger, catalogue de l’exposition Anna Mark, Musée d’Art et d’Histoire, Meudon 2015

Mitsouko Mori

Mitsouko Mori

Mitsouko Mori

Mitsouko Mori

Née à Ashikaga au Japon, diplômée en 1969 – 1970 de l’Université Nationale des Beaux-Arts de Tokyo, Mitsouko Mori a étudié en France, de 1970 à 1975 à l’Ecole d’Art et d’Architecture de Marseille-Luminy puis à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. C’est dans cette ville qu’elle vit et travaille.

Son œuvre figure dans de nombreuses collections publiques et fait l’objet, depuis 1969, de multiples expositions, au Japon, en Europe et en Amérique latine. Citons notamment, en 2012 le Centre pour le Constructivisme et l’Art Concret, Galerie Den Heek, Belgique ; en 2012 le Musée Haus Ludwig, Sarrelouis, Allemagne et actuellement, dans le cadre de l’exposition Rythme et géométrie, le Couvent des Cordeliers à Châteauroux .

Mitsouko Mori a conjugué deux figures puissantes de la géométrie, le cercle et l’hexagone, en une suite d’œuvres riches et paradoxales : évidentes, secrètes, ouvertes et fermées, planes et tridimensionnelles, simples et complexes.

Comme l’Enso, cercle plus ou moins ouvert tracé d’un seul coup de pinceau par le calligraphe zen, les tondos (tableaux ronds) de l’artiste, aussi construits et géométriques soient-ils, nous portent à considérer le vide, la « non-chose », le fini et l’infini.

Enserré et construit par ce cercle, l’hexagone se subdivise en harmonies parfois claires de jaunes et de blancs, parfois sombres et nocturnes, de bleus, de rouges, de gris profonds. Indéfini, le centre se déplace, se démultiplie, se déporte vers la périphérie.

Parfois, la circonférence du châssis est tronquée ; un ou plusieurs côtés de l’hexagone se substituent au cercle, devenant bord du tableau. L’œuvre se projette alors littéralement hors d’elle-même, dans une impossibilité soudain réalisée.

Est-on si loin de J.L. Borgès et de sa Bibliothèque de Babel, « une sphère dont le centre véritable est un hexagone quelconque, et dont la circonférence est inaccessible » ?

Construction vertigineuse, à l’image des œuvres les plus récentes de Mitsouko Mori : vues de haut, plongées lentes vers l’abîme qu’on voudrait mesurer.

Charuwan Noprumpha

Charuwan Noprumpha

Charuwan Noprumpha

Charuwan Noprumpha

Après avoir obtenu en Thaïlande une licence de Beaux-Arts et Arts, option photographie, Charuwan Noprumpha a séjourné en Allemagne à l’Académie des Arts de Karlsruhe et a obtenu en 2013 un diplôme en DNSEP à l’École Européenne Supérieure d’Art de Bretagne – Quimper. Vivant et travaillant à présent à Nantes, Charuwan Noprumpha a bénéficié d’une carte blanche au Salon des Réalités Nouvelles à Paris en 2015. Cette même année était présentée sa première exposition solo, « Small Things » à la galerie Vertige, Bruxelles. Elle obtenait par ailleurs le Prix du Centre Français de Fribourg et celui de la Biennale de la jeune création contemporaine de Mulhouse.

Les œuvres abstraites de Charuwan Noprumpha, basées sur des suites patientes de points, de traits, de figures géométriques élémentaires, ne relèvent pas d’une pratique compulsive, d’un « même » régressif et figé. Loin de s’absenter du monde, l’artiste se revendique au contraire d’une réalité vivante, incertaine et changeante.

« Mon travail se construit par le regard et l’observation accumulés jour après jour. La nature, la vie actuelle de tous les jours, les souvenirs, les voyages, les paysages de Thaïlande où je suis née et ceux de France ont certainement influencé mon travail.
Je transmets et représente mes sensations par l’Abstraction (…) »

Pourtant, si ses œuvres abstraites se montrent aériennes et « enlevées », ses dessins d’observation, tirés du quotidien, ont trait au sol, à ce qui est posé, à ce qui contient ou retient. Chaises, vases, seaux, sacs, semblent – tout en le définissant – encombrer l’espace.

Si parfois un escalier, un fil à linge, des fruits aux arbres se confrontent à la pesanteur, ce n’est qu’ultérieurement, dans un lent processus d’abstraction, que des « débris » colorés s’échappent, que s’organisent aux murs les fragments tricotés et que s’opère, quelque part dans cette élévation, une étrange et libératrice suspension du temps.

Jean-Pierre Le Bars